vendredi 29 mars 2024

Des Elus Coëns au Rite Ecossais Rectifié. Classes secrètes et Réintégration

 

Des Elus Coëns au Rite Ecossais Rectifié. Classes secrètes et Réintégration Textes de Rémi Boyer et Lima de Freitas

Préface de Sylvie Boyer-Camax

Editions La Tarente, Mas Irisia, Chemin des Ravau, 13400 Aubagne –  https://latarente.fr/

Les trois contributions qui sont rassemblées ici, les deux premières de Rémi Boyer, la troisième de Lima de Freitas, cherchent à interroger, explorer et traverser les praxis véhiculées par les traditions de l’Ordre des Chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers et du Rite Ecossais Rectifié, deux expressions majeures du courant illuministe désigné par Robert Amadou comme « martinisme », et plus largement de la Tradition occidentale marquée par le sceau du judéo-christianisme.

 


 

Le premier de ces trois textes traite d’une mise en œuvre de la théurgie des Réau-Croix voulue par Robert Amadou dans la dernière décennie du deuxième millénaire en réponse à l’état, considéré déficitaire, de la scène initiatique en général dans sa capacité de réconciliation et de réintégration. La réalisation de ce projet a permis d’évaluer au plus près les possibilités offertes par le Culte Primitif proposé par Martines de Pasqually à ses émules.

Le deuxième texte réfléchit sur l’essence du Régime ou Rite Ecossais Rectifié à travers le grade central de Maître Ecossais de Saint-André, écrin pour un concentré exceptionnel de mythèmes à même de répondre aux exigences et aux attentes de la classe secrète des Profès et Grands Profès, dont la fonction réelle ne fut jamais pleinement établie concrètement par Jean-Baptiste Willermoz. Plus de deux siècles après, alors que le Rite Ecossais Rectifié est florissant, dans un monde fort différent de celui qui l’a vu se construire, que les exégèses se multiplient, porter le regard sur ce que ce rite préserve, conserve, offre, sur le plan opératif paraît très nécessaire.

Le troisième texte est de la plume de Lima de Freitas (1927-1998), artiste majeur de la seconde partie du dernier siècle, l’un des grands penseurs du Sébastianisme, et hermétiste de haut vol qui a su se saisir des arcanes pour les réaliser. Le sujet traité, le Feu et le Nombre 515, « la Clef de Dante », n’est pas spécifique au courant illuministe mais imprègne la Tradition occidentale et au-delà. Ce Franc-maçon, Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte au Rite Ecossais Rectifié du Grand Prieuré de Lusitanie, alors sous la direction avisée de José Anes, s’est affirmé comme un maître hermétiste et illuministe de premier plan dont l’enseignement réside pour l’essentiel dans ses peintures, mais aussi dans quelques textes puissants. Le Feu du Ciel est un texte fondamental, rédigé pour la Pentecôte en 1992, qui vient renforcer et étendre la portée initiale, déjà d’une grande puissance, de son ouvrage indispensable 515, le lieu du miroir[1]. Il reprend notamment nombre de points clés identifiés lors de ses échanges épistolaires avec Gilbert Durand. De cette « correspondance imaginale » vont en effet jaillir des révélations aux portées cosmogoniques et alchimiques considérables. Plus encore, Le Feu du Ciel, porte des clés initiatiques nombreuses, universelles, qui font lien entre les enseignements traditionnels que nous avons porté ces vingt dernières années, particulièrement dans le domaine des alchimies internes et des théurgies, que celles-ci empruntent les habits de l’Occident ou ceux de l’Orient.

Les trois textes nourriciers de cet ouvrage se complètent et s’harmonisent remarquablement. Ils sont donnés comme des pistes de réflexion, de méditation, de maturation à tous ceux qui veulent bien écouter et entendre, s’ouvrir à plus grand et à plus haut sens. Ils ne reflètent probablement qu’un aspect de la Réalité, car qui sommes-nous ici pour prétendre détenir la Vérité ? Mais ils peuvent dire beaucoup à ceux qui se laissent infuser et qui lisent avec leur Cœur. Ils pourront alors leur faire pressentir l’Absolu, la liberté de l’Absolu. Tout est affaire de regard, de prise de conscience, d’attention à ce qui est, de présence.



[1] 515, le lieu de miroir de Lima de Freitas, éd. Albin, Michel, Paris, 1993.

Renaissance Traditionnelle et Cahiers de Saint-Martin

 

Renaissance Traditionnelle n° 206, juillet-décembre 2023.

R.T. BP 161, 92113 Clichy cedex

www.renaissance-traditionnelle.com

Dans une nouvelle formule, Renaissance Traditionnelle, inaugure un prometteur cahier central intitulé Cahiers de Saint-Martin, en hommage à la revue du même nom publié dans les années 70-80 par Robert Amadou et Antoine Faivre. La direction de ce supplément a été confié à Dominique Clairembault qui signe la presque totalité des articles proposés.

Il s’intéresse tout d’abord à Louis-Claude de Saint-Martin, traducteur de Jacob Boehme dont nous savons toute l’importance dans le cheminement de Saint-Martin vers l’interne. Dominique Clairembault rend compte dans le détail de l’aventure de ses traductions de Boehme en s’appuyant sur la riche correspondance de Saint-Martin avec Louis-Nicolas Kirchberger.

C’est par Rodolphe Saltzmann et Charlotte de Boecklin que Saint-Martin s’intéressa profondément à l’œuvre de Boehme. Dominique Clairembault restitue avec brio les étapes qui vont conduire Saint-Martin à s’investir pleinement dans l’œuvre de traduction, soulignant au passage le sens de la langue du Philosophe Inconnu. Les traductions sont considérées comme excellentes et certaines personnalités comme D.W.A. Schickedanz trouvait « plus commode de se servir à côté du texte original de la traduction française dont la langue est de la même pureté et beauté que les autres écrits de Saint-Martin. »

Remarquons toutefois à ce sujet qu’en ce qui concerne les passages de l’œuvre de Boehme consacrés à l’alchimie, ou de dimension alchimique, mieux vaut prendre l’original, seul à même de véhiculer le langage hermétique, d’autant que Saint-Martin ignorait l’alchimie.

 


 

 

Dominique Clairembault, dans un autre article, revient sur les quatre portraits bien connus de Saint-Martin au XVIIIe siècle et introduit ainsi l’article de Roger Dachez sur un éventuel portrait de Louis-Claude de Saint-Martin découvert fortuitement. Roger Dachez liste les arguments en faveur d’un portrait, d’ailleurs superbe, du Philosophe Inconnu. La comparaison avancée par Roger Dachez entre ledit portrait, de face, et celui de profil réalisé en 1795 au physionotrace, ne résiste pas à une observation même superficielle. D’autres arguments permettent au contraire de poser au moins l’hypothèse. A suivre peut-être.

Roger Dachez présente, toujours dans le cadre du Cahier, une Bibliographie du martinisme, publiée en 1939, par Gerard van Rijnberk (1875-1953) sous le pseudonyme de G. de Chateaurhin. Cette brochure, tout à fait intéressante, replacée ici dans son contexte historique, est proposée en fac-similé. Elle fut publiée par Derain-Raclet à Lyon en 400 exemplaires, ce qui pour l’époque et pour une simple bibliographie, est un nombre conséquent. « En effet, nous dit Roger Dachez, il rend compte, d’une part, de l’état des études martinistes avant la guerre, et d’autre part il nous renseigne sur les équivoques que suscitait encore le terme « martinisme ». Certaines d’entre elles, du reste, n’ont pas disparu. »

mercredi 22 novembre 2023

Bulletin de la Société Martines de Pasqually n° 33

Bulletin de la Société Martines de Pasqually n° 33-2023

https://stesmdp.blogspot.com/

Sommaire : Ad honorem Xavier Cuvelier-Roy par Jean-François Var – La prière des six heures des Elus Cohen par Jean-Louis Boutin – Dictionnaire de Martines de Pasqually : Noms propres (Première partie) par Serge Caillet – Pierre Fournié et les « Maçons du Régime » de Fadi Caledit – Catéchisme des élus cohen selon le chevalier Molinié (suite et fin) par Georges Courts –  Présentation du corpus élu cohen - 9 par Thierry Lamy – Où il est question de Martines de Pasqually et d’élus coëns par Michelle Nahon – Martines de Pasqually et la méthode janséniste d’interprétation de l’Ecriture Sainte au XVIIIe siècle, dite « Théorie des types » ou « Figurisme » par Jean-Marc Vivenza.

Ce sommaire très riche permet notamment de faire le point sur cette pratique essentielle des Elus coëns qu’est la prière des six heures, pratique contraignante qui tend vers l’ascèse. Serge Caillet s’engage dans un travail considérable avec son Dictionnaire de Martines de Pasqually qui prend en compte l’ensemble de la matière coën. Le recours au dictionnaire pour des corpus si complexes est absolument nécessaire et permet à l’étudiant de ne pas s’égarer dans des interprétations erronées. Par ailleurs, il favorise l’indispensable travail de croisement et juxtaposition de toutes les sources coëns pour rétablir l’architecture de l’ensemble. Fadi Caledit nous entraîne aux côtés de Pierre Fournié, personnage complexe, plein de contradictions mais qui, nous dit Fadi Caledit, « apporte quelques compléments exégétiques nécessaires » à l’œuvre de Martines de Pasqually même s’il l’a quelque peu catholicisée. Georges Courts poursuit et achève son travail d’étude du Catéchisme des Elus Cohen selon le chevalier Molinié – Thierry Lamy poursuit la présentation de l’immense corpus des Elus coëns, l’un des corpus les plus denses de la tradition occidentale mais très dispersé. Le travail de Thierry Lamy permet de retrouver la cohérence de cet ensemble. Avec Michelle Nahon, nous découvrons le roman de John Charpentier (1880-1949), Le maître du secret – Un complot maçonnique sous Louis XVI dans lequel le lecteur croise Martines de Pasqually et ses émules. Enfin, Jean-Marc Vivenza, avec un article sur le figurisme et la doctrine de Martines de Pasqually se met dans les pas des recherches approfondies de Gérard Gendet dans le cadre de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes qui nous a fait découvrir, depuis quelques années, cette influence peu connue. Nous renvoyons le lecteur intéressé à son monumental ouvrage : Du figurisme à l’illuminisme par Gérard Gendet paru récemment aux Editions La Tarente (voir ci-dessous).