Rodolphe Salzmann. Grand Profès, Frère Ecossais Rectifié et Elu-Coën
Eric P. Bahne von Krauss & Henri Mangin
Les Cahiers Libertate
Editions Modestia – https://www.editionsmodestia.com/
Cet ouvrage précède De Wilhelmsbad I & II à nos jours, que nous avons déjà présenté, qui lui-même devance un ouvrage à paraître sous peu sur lequel nous reviendrons. Cette trilogie sera vite indispensable à tout pratiquant ou étudiant du RER.
L’ouvrage est sous-titré A l’école de la mystique romane, nous rappelant ainsi l’influence considérable de ce courant sur la genèse du Régime ou Rite Ecossais rectifié.
Rodolphe Salzmann (1749-1821) devint très tôt un proche de Louis-Claude de Saint-Martin et de Jean-Baptiste Willermoz (1730-1824). Il fut l’artisan de l’alliance entre la culture initiatique allemande et la culture initiatique française telle que nous pouvons la saisir dans le passage de la Stricte Observance Templière au Régime Ecossais Rectifié, cette « Rectification » qui s’opère sur plusieurs années, notamment dans les trois Convents, des Gaules (1778), Wilhelmsbad I (1782) et Wilhelmsbad II (1817). Le strasbourgeois Salzmann fut non seulement présent et acteur de ces trois convents mais sa fidélité à Jean-Baptiste Willermoz fut constante et fait de lui non seulement un compagnon de route mais une figure de l’illuminisme.
Les archives de Rodolphe Salzmann sont perdues mais les correspondances soutenues avec la Comtesse de Stein et Diethelm Lavater, complètes, permettent de reconstituer plusieurs pans de l’action et de la pensée de Salzmann.
L’ouvrage se compose de quatre parties.
La première partie dresse un portrait détaillé de Rodolphe Salzmann et de son parcours personnel et spirituel à travers les témoignages de personnalités qu’il côtoya d’une façon ou d’une autre, soutenue ou épisodique. Sa relation avec la famille Stein est ici centrale. Nous découvrons que Rodolphe Salzmann était déjà Franc-maçon à 24 ans et qu’il envisagea de faire entrer le jeune Stein dont il assurait l’éducation, non sans difficultés, dans l’Ordre maçonnique. Il se heurtera au refus de sa mère, la Comtesse. Nous mesurons déjà dans ces épisodes de jeunesse l’engagement et l’orientation de Salzmann.
La deuxième partie débute par la rencontre, à Lyon, en 1777, de Salzmann avec Louis-Claude de Saint-Martin et Jean-Baptiste Willermoz, début d’un long compagnonnage spirituel, et d’une longue amitié, plus particulièrement avec Saint-Martin. Il participe aux fameuses « Leçons de Lyon », ce qui atteste déjà de son appartenance à l’ordre des chevaliers Maçons Elus Coëns de l’Univers et il sera bien évidement de l’aventure du Régime Ecossais Rectifié. Salzmann est un grand voyageur (Allemagne, Srasbourg, Lyon, etc.), il participe ainsi à l’alternative nomade qui caractérise la démarche initiatique. Dans cette partie, nous trouvons au milieu de sa correspondance une série de lettres importantes de Jean-Baptiste Willermoz à Bernard de Türckheim et Rodolphe Salzmann. Eric P. Bahne von Krauss attire l’attention du lecteur sur l’une d’elles, datée de 1783, « une démonstration de maintenir le grade symbolique de Saint André qui débouche par la suite sur la classe de l’O.I., lesquels additionnés, se trouvent être le sanctuaire incontournable pour une transition réussie entre les trois premiers grades symboliques et la G.P. », soit la Grande profession. Cette lettre énonce clairement la vision du système pensé par Willermoz, sa cohérence, ses articulations, ses enchâssements éventuels.
La troisième partie est plus doctrinale et aborde l’intérêt de Salzmann pour l’œuvre de Böhme, mais aussi de Maître Eckhart et des mystiques rhénans de façon plus générale. Les sujets des rapports complexes avec les néo-templiers, déjà, et les Rose-Croix, sont abordés ainsi qu’avec d’autres systèmes comme celui de Zinzendorf.
La quatrième partie, plus courte, est de la plus haute importance puisqu’elle traite du réveil du Régime Ecossais Rectifié après la période de rupture de la Révolution française. Rodolphe Salzmann, Grand Profès, dépositaire de la doctrine de l’Ordre, en est aussi le gardien, ce qui n’empêche pas des ouvertures, toujours prudentes, vers d’autres contributions. Il fut un vecteur essentiel de la permanence du Régime Ecossais, de son évolution et du maintien de ses fondements doctrinaux et initiatiques.
L’ouvrage est passionnant, et demande plusieurs lectures pour en tirer tous les apports qui renouvellent et approfondissent le sens et la nature de l’aventure initiatique, assurément riche de surprises, du RER.




